La singularité de la recherche artistique

Par Kathleen Coessens
Directrice du Conservatoire royal de Liège (CRLg)

Extrait :

La pratique artistiques comme départ et retour

Tout artiste a le désir de sonder son art et son savoir-faire, de les remettre en question, de les perfectionner, de les montrer et de revivre ce cycle entre pratique et recherche, entre savoir et savoir-faire. Cela se produit depuis tous les temps et généralement de manière implicite. À travers les temps, il nous reste maints exemples : que l’on pense à Léonard de Vinci, à Paul Klee ou à Helmut Lachenmann entre beaucoup d’autres. Cette recherche artistique déjà existante – mais non formalisée jusqu’il y a quelques décennies – a toujours été ancrée dans l’expérience et l’expérimentation de l’artiste individuel et partagée dans des cercles restreints d’artistes ou entre maître et élève (Coessens, Douglas et Crispin, 2009).

Le passage au xxie siècle a ouvert la société à de nouveaux défis, principalement concernant l’accumulation, la diffusion et la création d’information et de connaissance, et cela dans tous les domaines de la société. Ainsi, depuis deux décennies, après les accords de Bologne, les établissements d’enseignement supérieur artistique ont été confrontés à une demande d’expliciter ces processus et savoirs artistiques, et donc à une demande de recherche artistique. La vitesse avec laquelle ils ont dû intégrer une recherche institutionnalisée dans les curricula a poussé en avant – ou plutôt a imposé – des modèles qui avaient fait leurs preuves au XXe siècle dans les sciences : modèles académiques et universitaires avec leurs règles et méthodes de généralisation, d’objectivation, d’expérimentation et d’empirie – comme cadre de référence pour l’artiste-chercheur. Les premières démarches de recherche artistique institutionnalisée ont donc été orientées dans ce sens : des recherches proches de la musicologie, des sciences de l’art, de la philosophie esthétique ou des sociologies et psychologies de la culture et de la créativité, avec un article ou document écrit (thèse) à la fin.

Malgré ce mouvement intéressant de la discipline académique de la recherche, l’artiste-chercheur s’est vite trouvé dans l’impossibilité de satisfaire à cette demande, l’objet de sa recherche étant une pratique complexe dont l’artiste et son art font totalement partie. Ce que l’artiste fait, ce qu’il pense, les matériaux qu’il utilise, la façon dont il agit, dont il comprend son art dans le contexte de la société et de la culture, corps et âme, ne peuvent être rendus – et encore moins compris – par les méthodologies «objectives» de la recherche scientifique. Toute démarche de recherche artistique prend son départ dans un questionnement de pratique artistique, nourrit cette pratique et finit par retourner à la pratique. Une recherche artistique se présente toujours dans des mouvements de cercles concentriques où sujet et objet, savoir et pratique se confondent, car le chercheur artistique est toujours plus que chercheur, il est aussi le créateur et/ou l’interprète de l’art. D’un côté, ce mouvement est un défi pour et envers la recherche artistique et la recherche académique, mettant en cause les conditions scientifiques. De l’autre côté, une recherche qui inclut l’être humain dans son expérience et expérimentation, et donc dans la recherche, amène à de nouvelles connaissances, à d’autres formes de compréhension et donc à un enrichissement des savoirs – une ouverture de savoirs multiples.

Lire l’article en intégralité : https://hal.science/hal-04223204/document

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